L’autorégulation, mode de reconnaissance mutuelle

La lettre du président

L’autorégulation est la marque d’un développement démocratique achevé.

Dominique Wolton

Dominique Wolton, Président du CEP

Elle reconnaît que les points de vue des acteurs sont contradictoires et admet leur intelligence pour trouver une solution.

Il est légitime de commencer par l’autorégulation, qui est un mode de reconnaissance mutuelle, illustrant le dépassement d’une certaine vision hiérarchique de la société, la réhabilitation de la négociation, la pluralité des points de vue et donc de la communication.

La publicité bénéficie du même mécanisme que la communication : on pense qu’on peut dire n’importe quoi à n’importe qui et qu’il le croira. Or, ce n’est pas vrai, la grande découverte du XXe siècle c’est qu’on peut, certes, dire n’importe quoi à quelqu’un, mais qu’il le croit de moins en moins. D’une part, parce qu’il est saturé de messages et d’autre part, parce que le récepteur est intelligent ! Dans notre société ouverte, où la multiplication des sollicitations et des interactions devrait réduire à néant l’autonomie de l’individu, on constate, au contraire, qu’il continue à résister et à faire ses choix en fonction de ses propres valeurs.

C’est la énième version de l’idéologie technique – tout va changer avec les tuyaux – qui est perçue comme l’abécédaire de la démocratie et qui est une vision totalement fausse. On a toujours cru que plus il y aurait de tuyaux, plus il y aurait de diversité, or jamais autant de conformisme n’a circulé.

Le numérique donne une illusion de transparence du monde, de vitesse, de compétence, d’interactivité. C’est un moyen efficace pour obtenir des informations services – les horaires des trains, la météo, etc – mais dès qu’on arrive sur des sujets compliqués comme l’information, la connaissance, il n’y a pas d’égalité et évidemment le monde ne va pas à la vitesse des réponses d’Internet. Le numérique ne rapproche pas les points de vue, il  a exactement l’effet inverse : Internet est un facteur de prise de conscience plus rapide des différences qui nous séparent.

On dit aussi « Internet c’est la liberté », mais il n’est pas facteur d’émancipation, comme on le croit. Internet, c’est le poids des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) qui sont la plus grande puissance du monde. Et bizarrement, le discours dominant est devenu  « : Ce n’est pas grave, le plus important c’est la liberté », en confondant la liberté individuelle d’accès (à condition d’avoir les compétences pour trouver l’information) avec le pouvoir qui contrôle toutes les informations dans le monde. Il y a une schizophrénie complète entre l’émerveillement que représentent les technologies pour chacun d’entre nous et le fait que l’on ne veuille pas réfléchir aux causes et à l’impact de ces technologies au niveau global.

Paris,  juin 2016