Avis du CEP « Publicité et politique »

Le Conseil de l’Éthique Publicitaire a émis un nouvel avis intitulé « Publicité et politique ».

En cette matière très réglementée, particulièrement depuis la Loi Rocard de 1990, le CEP distingue deux hypothèses :

  • le premier cas dans lequel la publicité commerciale s’inspire de l’univers politique,
  • puis un second, où le politique se sert de la publicité pour communiquer.

La question des rapports entre la publicité et la politique a deux sens différents, que le Conseil a souhaité distinguer :

  • le cas de la publicité commerciale qui utilise la politique pour promouvoir des produits et services : un annonceur peut-il faire appel à l’actualité politique, à un débat politique ou à des personnages politiques dans sa communication ?
  • le cas inverse de la publicité faite par un annonceur politique (parti, candidat ou pouvoirs publics) à l’occasion notamment d’une échéance électorale : des politiques peuvent-ils utiliser des techniques, des agences et des espaces publicitaires, comme on peut le voir aux Etats-Unis pour la campagne présidentielle ?

1) L’utilisation de la politique par la publicité commerciale :

Dans notre pays un annonceur comme tout citoyen bénéficie de la liberté d’expression, découlant de la grande Loi de 1881, qui ne concerne pas seulement la presse, mais aussi, il faut le rappeler, l’affichage, le marketing direct et aujourd’hui Internet.

On peut observer qu’en revanche, tout propos politique est strictement interdit dans les espaces publicitaires par la loi dans les médias audiovisuels pour des raisons historiques liées à l’origine publique de la télévision. Cette apparente contradiction ne soulève pas de débat dans notre pays, et ne relève pas de l’éthique et de la déontologie publicitaires. C’est au législateur et au CSA de se déterminer si nécessaire sur ce problème. Deux exceptions à cette interdiction ont été édictées par le CSA :

  • quand la presse a été admise à faire de la publicité à la télévision, la référence à l’actualité politique est possible, notamment dans les couvertures des magazines, au titre de son rôle dans le débat public.
  • le Gouvernement a le droit de faire, dans les écrans publicitaires, des campagnes à la télévision et dans les radios au titre de l’intérêt général.

La liberté dont bénéficient les annonceurs dans les médias écrits, et notamment la presse et l’affichage, a néanmoins des limites légales et déontologiques. Le Conseil a relevé le rôle de l’ARPP qui veille à la bonne application des dispositions législatives (respect de la vie privée, art. 9 du Code civil) et déontologiques (attributs de la personne) relatives à l’utilisation de références à caractère politique en publicité.
On doit remarquer que les annonceurs n’abusent pas de cette liberté, à l’encontre d’un Gouvernement ou d’un parti par exemple, et qu’il n’y a pas de polémique ni de plainte à relever à ce titre. Le Jury de Déontologie publicitaire n’a pas eu à examiner de plaintes sur ce terrain.
Le seul point sur lequel l’éthique publicitaire doit être affirmée est l’utilisation, dans des publicités, de personnalités politiques sans leur accord et aux dépens de leur vie privée, quand ces aspects de leur vie privée n’ont pas été mis sur la place publique à l’initiative de ces personnes. Même s’il observe que la publicité ne joue pas un rôle majeur dans la satire croissante de la politique, le Conseil souhaite rappeler le respect que la publicité doit porter aux fonctions de nos dirigeants et de nos élus, lorsqu’elle les utilise, sans sens de sa responsabilité sociale. Il constate d’ailleurs que la demande du public en faveur d’une communication responsable progresse.

2) L’utilisation de la publicité par des politiques :

En France, comme dans toutes les démocraties, les partis politiques, les élus et les candidats à une élection utilisent depuis longtemps les agences, techniques et espaces de la publicité pour leur promotion. Une agence publicitaire peut accepter, comme refuser, de travailler pour des politiques, en fonction de ses convictions et de ses intérêts. La législation réglemente avec abondance et précision les conditions de diffusion de cette publicité politique. Depuis la Loi « Rocard » du 15 janvier 1990 relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques, le Code électoral l’interdit dans les six mois précédant un scrutin.
L’ARPP se contente de rappeler ces dispositions au moment des échéances électorales. Aucune disposition déontologique, en dehors du respect de la loi, n’existe dans cette matière. Le Conseil estime que l’encadrement de cette publicité politique relève du seul législateur, et du CSA, compte tenu de son caractère spécifique. Il remarque que les organismes d’autodiscipline étrangers, et leurs Jurys, se déclarent généralement incompétents en cas de plaintes sur ce type de publicité.

Le Conseil a pris note de la position prise par certains communicants, qui souhaitent un assouplissement de la Loi « Rocard » sur la communication politique et une libéralisation de la publicité politique : d’après eux notre pays pourrait revenir à la situation antérieure, qui autorisait la publicité politique par voie de presse et d’affichage, dans la mesure où cela existe dans les autres pays européens, et où le plafonnement des dépenses électorales, subventionnées par l’Etat, ne peut plus entraîner les dérives financières du passé. Un candidat à des élections locales, notamment, n’a plus les moyens de se présenter directement à ses électeurs (en dehors des panneaux officiels près des bureaux de votes, et des tracts), et ne peut communiquer qu’au travers des journalistes, ou Internet. Le Conseil, pour les mêmes raisons que citées précédemment ne souhaite pas se prononcer sur cette question, qui ne relève pas de l’éthique publicitaire, mais du débat public et du législateur.

En revanche, il souhaite attirer l’attention sur l’utilisation croissante par les politiques des réseaux sociaux pour communiquer. Se pose à ce titre une question qui relève, elle, de la compétence du Conseil : la communication à l’origine privée qui circule sur ces réseaux sociaux ne devient-elle pas une communication publique, compte tenu du nombre des destinataires non connus par l’émetteur ? Ne faudrait-il pas y appliquer les règles et la déontologie de la communication publique ? Nous allons mener une réflexion à ce sujet.

En conclusion sur la question de la publicité et de la politique, et pour ses deux formes d’expression, le Conseil constate que ces problématiques ne concernent généralement pas l’éthique publicitaire, dépassent le domaine professionnel de la publicité et dépendent du débat public et de la loi. Il estime en conséquence que sa réflexion sur ce sujet se limitera à cette analyse, et ne donnera pas lieu, comme ailleurs, à une recommandation.

Télécharger l’avis du CEP Publicité et politique

Paris, le 3 septembre 2013