Avis du CEP « Réseaux sociaux et communication publicitaire »

Historiquement, la publicité a toujours intégré les nouveaux vecteurs de communication, des petites annonces à la presse, de l’affichage à la radio puis à la télévision et enfin à l’Internet.
Les réseaux sociaux ne font pas exception à la règle et les professionnels de la publicité ont rapidement expérimenté ce nouvel outil.

Apparus il y a plus de dix ans et encensés pour leur vitesse, les réseaux sociaux se définissent comme l’ensemble des outils de communication électronique qui permettent de relier entre elles des personnes et entités ayant des centres d’intérêts communs. Sont donc exclus les sites internet « classiques », les forums de discussions, les blogs… Loin de la communication verticale traditionnelle, les réseaux sociaux permettent une diffusion horizontale de l’information, plus directe, que certains qualifient de participative ou collaborative.

Cependant, peut-on toujours parler de communication, dont la composante essentielle est la complexité de la réception de l’information ? Autant il est difficile de contester le formidable atout que peut constituer la montée en puissance de la technique dans la facilitation de la transmission de l’information, autant la réception de cette dernière par le destinataire-récepteur, n’est pas systématiquement acquise. Plus d’information n’entraîne pas nécessairement une meilleure communication. Publier une information simplement pour solliciter l’attention n’appelle pas toujours une réponse ou une réaction. Le problème se pose d’autant plus que les « signaux » émis sont nombreux et se perdent dans le bruit de fond. La communication est d’abord et avant tout une relation humaine avant d’être la superposition de procédés techniques.

On mesure dès lors les problématiques nouvelles engendrées par ce nouvel espace :

– Sommes-nous devant un territoire de liberté absolue que rien ne doit limiter, thèse soutenue par les pionniers et les inconditionnels de l’Internet ?
– Certaines entreprises ou marques ne peuvent-elles pas s’insérer dans le réseau social pour dénigrer voire diffamer un concurrent sous couvert d’une libre opinion indépendante ou en profitant de l’anonymat ?
– Où est la frontière entre espace privé et communication publique ?
– Où se termine l’échange privé et où commence la communication d’influence ?

La publicité, par sa présence grandissante sur les réseaux sociaux, est confrontée à toutes ces problématiques.

Évoluant dans un mécanisme de connivence et de co-création, les marques peuvent voir leur communication leur échapper. C’est précisément le nouveau problème, mais pas insoluble, qui se pose pour elles sur les réseaux sociaux dès lors que leurs communications sont dépendantes de la réaction positive ou négative des internautes. Ces derniers vont magnifier ou dégrader le message initial par leurs interventions successives telles des « discussions de comptoir » vantant les mérites de tel ou tel produit ou service.

Il est donc nécessaire, pour que la communication publicitaire sur les réseaux sociaux puisse être qualifiée d’éthique et responsable, de déterminer quand on glisse de la simple discussion « d’amis » vers la véritable communication publicitaire et de veiller à ce que les marques ne perdent pas la maîtrise de leurs propres messages.

Pour ce faire, les marques ne sont pas dépourvues d’outils, à commencer par les règles bien établies de la propriété intellectuelle et de la déontologie. La réappropriation par un tiers d’un signe distinctif de la marque ou de sa communication est tout autant contraire aux règles déontologiques, prévues par la Recommandation de l’ARPP Communication publicitaire digitale, qu’au droit de propriété intellectuelle. Il n’est pas inutile de rappeler le devoir de la marque de corriger une communication dont elle est à l’origine et qui serait rendue inefficace parce qu’elle serait reprise et détournée par un tiers. De même, les réseaux sociaux étant, de part les nombreuses interactions sociales qui font leurs spécificités, à l’origine d’une très forte concentration de données à caractère personnel, les marques doivent apporter une vigilance toute particulière quant à l’utilisation qu’elles font de ces dernières.

Par ailleurs, rappelons que les individus ont aussi des devoirs vis-à-vis des marques sur les réseaux sociaux ; l’usage de leur liberté d’expression ne fait pas obstacle à l’engagement de leur responsabilité pénale ou civile. Sur le plan déontologique, le réflexe pour un internaute de citer la source à l’origine de ses interventions est d’autant plus encouragé qu’il permet à tout à chacun d’identifier clairement et directement le véritable émetteur de la communication publicitaire .

Les marques auront-elles pour autant une volonté réelle et la possibilité de faire usage de ces différents outils, qui plus est avec les réactions exponentielles que peuvent avoir les partisans d’une résistance à toute forme de régulation, qu’elle soit professionnelle ou non ? Tout est question du degré d’analyse que l’on souhaite avoir d’une communication commerciale, de l’exigence que l’on en attend et de la force des règles que l’on souhaite lui appliquer. Les marques doivent assumer clairement leur statut d’émetteur, sans oublier la fonction commerciale de la publicité. Elles doivent également accepter, ab initio, la quasi-impossibilité technique d’assurer un contrôle total de leurs communications dès lors qu’elles peuvent être reprises, modifiées et partagées par le plus grand nombre.

Ainsi, la prise de conscience par les publicitaires de l’importance du respect des règles pour protéger l’intégrité des marques apparaît d’autant plus nécessaire qu’elle permet de restaurer la confiance en ces dernières.

L’histoire en mouvement des relations entre la déontologie et les médias nous le rappelle sans cesse : la créativité publicitaire est stimulée lorsque s’ouvrent à elle de nouveaux espaces ; pour autant, elle ne s’éteint pas lorsqu’elle y est progressivement encadrée.

Gageons qu’il en sera de même une fois encore sur les réseaux sociaux, derniers nés des outils de communication succédant à beaucoup d’autres.

Télécharger l’avis du CEP Réseaux sociaux et communication publicitaire

Avis du Conseil de l’Ethique Publicitaire, publié le 4 août 2014