Avis du CEP « Publicité et Éducation »

Le CEP a analysé les liens existants entre la publicité et l’éducation.
Il rappelle que le rôle de la publicité commerciale est de communiquer sur un produit ou un service en présentant les avantages et les plus-values de celui-ci. Aussi large soit-il, ce rôle originel de la publicité se distingue d’une mission pédagogique. Même si chaque entreprise doit être parfaitement consciente de sa responsabilité sociale lorsqu’elle communique, le rôle premier de la publicité n’est pas d’éduquer le public, elle ne doit pas se substituer à l’Etat dans son rôle de prévention et d’éducation.
Il souligne également l’importance de l’émotion dans tout message, pour qu’il soit reçu.
Enfin, il estime que la question de l’éducation à l’esprit critique est essentielle.

Les rapports entre éducation et publicité peuvent se décliner autour de 4 thèmes :

– la publicité émanant d’organismes de formation, encadrée notamment par le Code de l’Education Nationale ;
– la publicité se référant à des scènes qui se déroulent dans des milieux éducatifs (école, lycée, centre de loisirs…) ;
– l’éducation du public pour une meilleure compréhension et un décryptage de la publicité ;
– et enfin l’éducation du public par la publicité, en faveur de comportements plus citoyens et responsables.

Les deux dernières notions, soulevant de vraies questions d’éthique, seront analysées dans cet avis.

Apprendre à décrypter la publicité

Publicité ciblée, publicité comportementale, contenu généré par les utilisateurs ou les marques sur les réseaux sociaux, distinction entre information rédactionnelle et publicité, la force d’un slogan, etc. sont autant de thèmes liés à la publicité et plus particulièrement aux nouvelles formes de publicité pour lesquelles une éducation du plus ou moins jeune public s’avère opportune.

Il importe donc d’aider à former l’esprit critique des plus jeunes, public destinataire par excellence de ces messages publicitaires, pour leur permettre de décrypter les mutations, notamment technologiques que connaît aujourd’hui la publicité.

L’enseignement traditionnel permet, dans certains cas, au sein des programmes scolaires, de découvrir la publicité. Cependant la technicité de cette matière est souvent mal connue par les enseignants en général, cela peut provoquer des prises de positions polémiques. Une réflexion avec les professeurs prodiguée aux professeurs serait de nature à améliorer cet enseignement.

Par ailleurs, ce thème peut également être abordé dans le cadre de dispositifs élaborés par la profession publicitaire. Plusieurs supports éducatifs, dont la finalité est d’éduquer aux spécificités des messages publicitaires, existent d’ores et déjà : « Media Smart Plus »/« Pub Malin », ou au niveau européen l’« 3E Module » (AEEP/EASA). Ils constituent autant de programmes utilisables et de grande qualité (cf. pédagothèque INC).

La publicité, au cours des années 70, faisait l’objet d’analyses sémiologiques, elle était perçue comme un langage culturel, un champ rhétorique à investir, malheureusement ces recherches sont moins développées aujourd’hui.

Il sera opportun de les redynamiser, en organisant leur financement, par exemple, grâce au concours de grands groupes publicitaires ou d’organismes professionnels, dans l’objectif de développer des outils conceptuels d’analyse de la communication publicitaire.

L’ARPP a toute légitimité pour participer au développement des modules éducatifs, à destination des jeunes, notamment pour les aider à décrypter ces nouvelles techniques publicitaires, mais aussi à les sensibiliser à des thématiques qui les touchent particulièrement comme l’image du corps ou les bonnes pratiques alimentaires par exemple. Une initiation des plus jeunes, aux règles déontologiques applicables à la publicité serait aussi d’une grande utilité pédagogique.

Il serait souhaitable que ces modules soient conjointement organisés ou parrainés par les principaux acteurs intéressés au sein des ministères concernés ou de l’Administration.

Le CEP soutient la poursuite et le développement de ces modules ainsi que tous partenariats entre le monde publicitaire et le monde de l’éducation.

La publicité est utilisée pour tenter de modifier les comportements

Nul ne peut nier l’impact qu’exerce la publicité sur la société. Vecteur puissant d’information, d’idées, et d’images diverses, les messages publicitaires peuvent influencer les opinions ainsi que les comportements du consommateur.

Cette influence est reconnue et utilisée par les pouvoirs publics qui prévoient réglementairement de nombreux messages d’éducation à insérer dans les messages publicitaires des annonceurs comme les mentions sanitaires pour les publicités alimentaires, les mentions pédagogiques pour les jeux en ligne, la mention pour les publicités du secteur de l’énergie, du crédit à la consommation, etc.
Le nombre de ces messages obligatoires est en constante progression, pourtant ils suscitent régulièrement des problèmes techniques d’intégration dans les publicités et parfois de compréhension pour le public qui en est destinataire.

La publicité va parfois influencer les comportements sans que cette finalité soit son objectif

Comme il y va de tout message dans un univers saturé d’informations, souvent peu contrôlées. (Ainsi, un véhicule roulant à une vitesse excessive, peut inciter à des comportements contraires à la sécurité, comme une publicité valorisant la consommation alimentaire, de façon passive, peut induire des comportements nutritionnels non adéquats.)

Il importe donc, dans ce cadre, que les règles d’éthique, notamment transversales, soient respectées.

Cependant certaines hypothèses, également facteurs d’influence, sont moins aisées à identifier ; beaucoup de débats existent aujourd’hui sur l’égalité entre les hommes et les femmes et plus généralement sur les questions liées au genre.

La publicité, qui véhicule des modèles sociétaux, peut participer à la pérennisation de stéréotypes sexués en présentant les hommes et les femmes dans des situations traditionnellement réservées à leur sexe. Si la scène de la femme dans la cuisine pendant que l’homme parcourt le journal au salon, est désormais une image d’Epinal, certaines publicités stigmatisent encore le comportement de l’un ou l’autre des sexes.

Le CEP rappelle que l’usage de tous stéréotypes dégradants est prohibé en application de la Recommandation de l’ARPP Image de la Personne Humaine

Il considère aussi qu’il est indispensable d’observer une grande vigilance face aux messages, susceptibles d’influencer l’attitude des individus, en particulier des plus jeunes.

Il convient donc d’éviter toute représentation stéréotypée de comportements, qui ne sont plus d’actualité, reflétant des rapports entre les femmes et les hommes, surannés.

Toutefois, la société offre une extrême variété d’attitudes et il serait aussi préoccupant de vouloir imposer, par des injonctions positives, un strict équilibre dans la représentation des hommes et des femmes dans la publicité, pourchassant ainsi toutes situations dans lesquelles leurs rôles respectifs ne seraient pas strictement interchangeables.

Tout n’est pas contrôlable dans les messages et surtout il ne faut pas oublier la liberté citoyenne qui existe du côté du récepteur. Comme il ne faut pas oublier que les effets de contexte : les mœurs, tolérances, contenus de discours, évoluent dans le temps.

La publicité est parfois spécifiquement utilisée dans un objectif de sensibilisation , son rôle est alors de tenter d’influer sur les comportements des individus.

Cette action, souvent initiée par les pouvoirs publics, a pour objectif essentiellement la réduction de comportements à risques (alcool, tabac, vitesse, relations sexuelles non protégées, etc. ). Les publicités préventives en faveur de la sécurité routière, contre les violences conjugales, ou les campagnes visant à lutter contre les maladies sexuellement transmissibles ou autres, peuvent encourager le public à adopter une meilleure hygiène de vie, des comportements plus prudents ou les inciter à lutter contre les maux de notre société.

En lien avec l’émergence des questions relatives au développement durable, de nouvelles campagnes visant à inciter les citoyens à adopter des comportements plus respectueux de l’environnement ont également vu le jour.

Beaucoup de ces messages, respectant les règles d’éthique, ne provoquent aucune polémique, leur finalité éducative leur donne la possibilité d’utiliser des images et un discours parfois plus violents que ne l’autorisent les règles déontologiques pour la communication commerciale classique. Prenant en considération cet objectif, le CEP a recommandé que les règles d’éthique, dans ces domaines, s’appliquent avec plus de souplesse. (cf. Avis CEP sur les campagnes d’opinion et de publicité non commerciale, publié en 2009).

Pourtant, il convient de s’interroger sur l’ambivalence de certains regards ; des scènes, violentes ou sexuelles, sont susceptibles, pour un public particulier, de susciter une certaine attirance. S’il semble légitime de les représenter pour dénoncer de tels comportements, il faut aussi analyser les dangers qu’elles comportent.

Des campagnes, soulignant l’horreur de l’inceste ou encore le drame de la violence conjugale, par exemple, se réfèrent à des images très concrètes, mêlant sexe et agression. Bien que l’objectif de dénonciation soit explicite, elles sont néanmoins susceptibles de provoquer une certaine fascination ou attirance pour quelques individus.

Le CEP constate que certaines campagnes tentent de susciter la prise de conscience du public en provocant l’effroi ou le rejet de certaines situations. Cependant, il appelle à une analyse lucide des risques potentiels qu’elles comportent, recommandant à leurs concepteurs de bien évaluer les effets potentiels collatéraux de telles représentations.

En conclusion le CEP indique que, si la publicité peut parfois éduquer, elle a aussi pour vocation de bousculer voire de transgresser tout en veillant, en fonction des supports de communication choisis, à ne pas agresser le consommateur.

Télécharger l’avis du CEP “Publicité et Éducation”

Avis du Conseil de l’Ethique Publicitaire, publié le 4 août 2014