Diversité linguistique, culturelle et publicité

Parution de la septième publication des Cahiers du Conseil de l’Ethique Publicitaire

L'actualité du CEP

Le Conseil de l’Éthique Publicitaire (CEP) dévoile la septième édition des Cahiers du Conseil de l’Éthique Publicitaire, basée sur son dernier avis relatif à la “Diversité linguistique, culturelle et publicité”, adopté en mars 2023. Cette parution inclut également la tribune libre de Dominique Wolton, intitulée “La troisième mondialisation”.

Dans cette nouvelle publication, le CEP soulève des interrogations quant au rôle de la publicité pour préserver la diversité linguistique, qu’il considère comme un élément constitutif et protecteur de la diversité culturelle. La publicité est analysée ici à travers ses messages et ses discours. Les sujets relatifs à l’inclusion des diversités culturelles dans la publicité, en particulier celles des minorités, ainsi que celui des marques étrangères non-traduites, ont été écartés. L’accent est mis principalement sur l’utilisation de l’anglais et des anglicismes dans la publicité. Le CEP aurait préféré étudier une autre langue que l’anglais, mais aucune autre ne possède une telle emprise culturelle, une telle visibilité et un tel impact politique.

Suite au rapport de 2022 de l’Académie française sur la communication institutionnelle en langue française, qui met en évidence le risque d’appauvrissement du vocabulaire français et la discrimination potentielle envers certains publics, le CEP a décidé de se saisir de la question de la diversité linguistique et culturelle dans la publicité. 

Après avoir rappelé l’existence d’un cadre (la Loi dite Toubon, la Convention de l’UNESCO de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles) ainsi que des outils disponibles (FranceTerme, Dictionnaire de l’Académie des Sciences Commerciales, Dictionnaire des Francophones), le CEP recense de nombreux exemples récents d’utilisation de termes anglais et d’anglicismes dans les publicités. 

En explorant l’histoire de la mondialisation et des entreprises globales, et constatant que pour un professionnel français, parler anglais (même avec des lacunes) est considéré comme un signe d’internationalité, le CEP souligne que le rap, chanté en français par des artistes francophones, est l’un des genres musicaux les plus écoutés par les jeunes, et qu’il contribue, lui, à enrichir la langue française et à apporter une diversité linguistique et culturelle. Ainsi, le CEP souligne que l’utilisation de l’anglais dans les publicités, dans le but de cibler les jeunes au nom de la modernité, semble davantage relever de préjugés. Ce recours à un jargon particulier semble surtout véhiculer une prétention ridicule et un conformisme.

Le problème ne réside pas tant dans la généralisation de l’anglais que dans la préservation de toutes les autres langues. On peut craindre aujourd’hui plus que jamais une uniformisation d’une partie du langage, par le biais de la diffusion du globish, entraînant ainsi un appauvrissement de la richesse linguistique par une simplification excessive des concepts. Les mots et les expressions ne portent alors plus toutes les nuances possibles véhiculées par la langue maternelle, ce qui limite la finesse de la compréhension du sens. 

Dans cet avis, le CEP formule trois recommandations complémentaires. Tout d’abord, il recommande de sensibiliser les professionnels de la publicité à l’importance de contribuer à la diversité de la langue française et de valoriser sa capacité à exprimer les concepts. Cela concerne les publicitaires, les agences, les annonceurs, les médias, ainsi que les dirigeants d’entreprises, et il ne faut pas oublier les responsables des écoles de commerce, de communication et de publicité. Ensuite, il préconise d’impliquer tous les échelons de la société, y compris l’État, les élites jusqu’aux universités et écoles. Enfin, il encourage la mobilisation des consommateurs.

Enfin, le CEP propose 15 idées pour que la publicité contribue à préserver la diversité culturelle. Par ailleurs, le CEP souhaite élargir le débat en impliquant la Francosphère et l’Europe, et en interpellant l’Alliance Européenne pour l’Éthique en Publicité (EASA) et le Conseil International de l’Autorégulation Publicitaire (ICAS), afin de mettre en place des outils de mesure. Le CEP souligne l’importance de disposer de points de comparaison.

Le Conseil de l’Éthique Publicitaire (CEP) est une instance indépendante présidée par Dominique Wolton, directeur de recherche au CNRS, fondateur et directeur de la Revue internationale Hermès. Il est associé au seul dispositif en France d’autorégulation professionnelle de la publicité concertée avec la société civile qui a été mis en place par l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP). Le CEP joue le rôle depuis 2005 de sentinelle et d’observatoire prospectif en ce qui concerne les responsabilités de la publicité envers la société et ses attentes. Il éclaire la profession sur les enjeux majeurs de la publicité et identifie les sujets qui requièrent une vigilance renforcée.


Cet avis, piloté par Zysla BELLIAT, rapporteur, coordonné et co-rédigé par Bertrand ESPITALIER, synthétise les réflexions du Conseil de l’Éthique Publicitaire composé de : Dominique WOLTON (président), François d’AUBERT (vice-président), Myriam BOUCHARENC, Laurence DEVILLERS, Cristina LINDENMEYER, Pierre-Marie LLEDO, Pascale MARIE (personnalités indépendantes) ; Albert ASSERAF, Pascal COUVRY, Denis GANCEL, Clémence GOSSET, Thierry LIBAERT, Gérard UNGER, (professionnels), avec la participation d’Alain GRANGÉ CABANE (Réviseur de la Déontologie Publicitaire).

Ont été auditionnés dans ce cadre les personnes suivantes : Nicolas BORDAS, Vice-Président International TBWA\Worldwide et Membre du Board de OMNICOM Europe ;  Eric TONG CUONG, président et directeur de création de l’agence La chose ; Ingrid ENRIQUEZ-DONISSAINT, Directrice de la planification stratégique au sein de l’agence Tam-Tam\TBWA, fondatrice de pre&ent ; Isabelle KARASTAMATIS, Directrice de l’agence Nouvelle Cour ; Ernesto OTTONE R., Sous-Directeur général pour la culture de l’UNESCO ; Jean PRUVOST, Professeur émérite de lexicologie et de lexicographie de l’Université de Cergy-Pontoise, Directeur éditorial des Éditions Honoré Champion ; Paul de SINETY, Délégué général à la langue française et aux langues de France – ministère de la Culture.



Paris, le 19 juin 2023