Avis du CEP « Qualité de la créativité et règles »

Le CEP publie un nouvel avis intitulé : Qualité de la créativité et règles

Le positionnement particulier de ce 17ème avis du Conseil de l’Éthique Publicitaire, instance associée à l’ARPP de réflexion sur les enjeux éthiques de la publicité, en signe l’originalité.
Choisissant une réflexion plus généraliste et transversale, les membres du CEP ont, dans ce cadre, privilégié une analyse globale de l’expression publicitaire.

Comment la créativité, inhérente à une bonne qualité de la communication, peut s’exprimer aujourd’hui, au milieu des règles existantes ?

La nécessité des règles n’est pas remise en cause, de nombreux membres du CEP sont à l’origine des dispositions majeures de la déontologie actuellement applicable.
Parallèlement, l’engagement responsable – prouvé ! – des professionnels de ce secteur est reconnu par l’ensemble des parties prenantes.

Cependant, et cette analyse rejoint celle du bilan d’actions des 5 ans de la refondation de l’ARPP (ex-BVP), les règles, à présent, sont nombreuses et couvrent globalement l’ensemble des thématiques rencontrées.

Il faut respecter l’imaginaire du consommateur en lui reconnaissant une part de liberté dans la perception des messages publicitaires. Cet appel à raison garder est signé tant par les professionnels, représentant les annonceurs, les agences et les supports publicitaires, que par les Personnalités Qualifiées issues de la société civile, proposées par le Président du CEP, Dominique Wolton, qui a particulièrement encouragé les Rapporteurs de cet avis à réaffirmer leur liberté d’actions.


Avis du CEP Qualité de la créativité et règles

La qualité de la publicité interagit avec les règles qui l’entourent ; plus la réglementation et la déontologie sont contraignantes, moins la publicité a la possibilité de conserver son objectif, qui est de susciter émotion et donc efficacité.

Certaines campagnes, datant des années 1980, ont marqué la mémoire collective, Myriam, Pliz®…

Tous reconnaissent leur qualité créative, mais parviendraient-elles à franchir le filtre réglementaire et déontologique actuel ?

La créativité publicitaire, un fonctionnement spécifique
Le constat actuel est que la publicité se vide souvent de son sens, provoquant, de ce fait, le désintérêt partiel du public. Pourtant la culture publicitaire est entrée dans les mœurs, chacun s’accordant à considérer les Français comme un public mature, capable de faire la part des choses dans les messages perçus.

Cette évolution vers une publicité de plus en plus édulcorée va à l’encontre de son efficacité, de son rôle dans l’économie, du plaisir du consommateur et donc de son acceptabilité.
Son efficacité est directement liée à sa capacité à ouvrir l’imaginaire, le rêve et cet espace de jeu qui permet au consommateur d’être acteur d’un message et donc de se l’approprier, ou non, pour y investir sens, émotion et critique selon ses propres critères.
D’ailleurs, dans la plupart des cas, le spectateur n’est pas dupe. Il a appris à décoder la publicité comme un jeu et non comme une description de la réalité. Ceci suscite chez lui une attente de créativité, de surprise ou d’humour, qui peine à être satisfaite par des messages convenus ou trop littéraux.

Laisser de l’espace à l’imaginaire du récepteur, c’est le respecter.
Plus les règles sont strictes, plus elles risquent de fermer cet espace et de réduire la publicité à une injonction à sens unique et à un message littéral proche de l’information, perdant ainsi sa magie et sa valeur. De plus, cette logique de l’émetteur qui ne joue plus avec le récepteur, ne permet pas au spectateur de trouver sa place, ni d’exister en tant qu’être humain capable de penser, d’imaginer, de rêver. De ce fait la publicité, moteur économique et culturel, perd de sa force et de son efficacité.

Les règles protègent, l’excès de règles nuit
On peut s’interroger sur la façon dont est appréhendée la publicité par le consommateur. Autrement dit sur sa capacité à recevoir, décoder mettre à distance, accepter …
Prenons l’exemple d’une publicité diffusée en télévision mais cela est aussi vrai sur internet, ou au cinéma… De peur que le spectateur soit « influencé », le message va être édulcoré à l’extrême pour être ni choquant, ni violent, ni présenter de comportements qui ne seraient pas adéquats avec les prescriptions de la société.
Tout cela pour respecter la sensibilité du spectateur.

Mais pourtant ce discours marchand dont il faut se « méfier » est reçu presque simultanément dans un continuum de messages qui, des informations, aux films, séries…, bénéficient d’une grande liberté de ton. Trop de protection peut créer l’effet inverse.

D’autant, et c’est un paradoxe, que l’intérêt porté à la publicité est souvent inversement proportionnel à l’excès de règles. Le volume de contraintes, qui entourent désormais la réalisation d’une publicité, n’en garantit ni la qualité ni l’attrait.

Quelle est la vraie demande du consommateur, destinataire final de la publicité ?
Certes, il rejette une publicité qui le trompe ou qui le choque, hypothèses désormais exceptionnelles comme l’attestent le faible nombre d’affaires, en France, portées devant les tribunaux. Mais il apprécie d’être surpris.
Le publicitaire redoute également ces écueils, susceptibles de nuire à la pérennité de la campagne et, à terme, à l’image de la marque. L’objectif premier d’une publicité est de rencontrer l’assentiment du public.

La régulation professionnelle n’a pas pour objectif de délivrer des injonctions
D’où vient cette volonté de toujours plus protéger le consommateur ? De toujours croire qu’il est fragile et manipulable ?
Au cours des cinquante dernières années, la publicité a pourtant acquis ses lettres de noblesse ; les professionnels ont manifesté leur sens des responsabilités en créant les règles essentielles pour modérer le caractère potentiellement transgressif de cette forme d’expression, associant pour cela à leurs travaux, représentants des associations de consommateurs, environnementales, ainsi que des experts de la société civile.
Ils ont écouté et mis en œuvre les demandes émanant des pouvoirs publics, signant des chartes d’engagements, organisant le contrôle de l’application des règles.
La France est devenue un très bon élève. L’Alliance européenne a reconnu l’excellence du fonctionnement déontologique français au moyen d’un tableau de bord d’engagements, pris depuis 2004 auprès de la Commission européenne, au sein d’une Charte des bonnes pratiques (cf. Best Practice Recommendations scoreboard EASA – juin 2013).

Mais cette visibilité a également alimenté le rôle de bouc émissaire de la publicité : les enfants grossissent ? Vite un encadrement des allégations publicitaires ! La violence devient un phénomène de société ? Renforçons les règles déontologiques !…

Les professionnels revendiquent bien sûr, leur participation à ces combats sociétaux et sont conscients du rôle positif que la publicité peut y jouer. Ils ont pu démontrer, en particulier par la signature de chartes d’engagements avec les pouvoirs publics, leur implication et leur sens des responsabilités. Mais tout ne peut s’expliquer ou se changer par la publicité !
Force est de constater que l’ensemble de la société est impliquée dans ces thématiques et que les campagnes publicitaires ont aussi d’autres objectifs, inhérents à leur nature.

La faiblesse des valeurs d’une société, ou ses difficultés, ne peuvent se compenser par un accroissement de règles ponctuelles.

L’interprétation de la règle doit être équilibrée
La part, toujours plus conséquente, des règles encadrant la publicité, outre le danger qu’elle comporte en laissant son analyse à des spécialistes, seuls en mesure de les connaître toutes, ne saurait suffire à résoudre les problèmes sociétaux. Au quotidien, dans un souci légitime de prémunir les professionnels du moindre risque, les services de l’ARPP peuvent avoir tendance, dans certaines hypothèses, à exacerber leur rigueur. Un équilibre est à préserver.

Valoriser le Jury de Déontologie Publicitaire et les bilans d’application
Mettons à profit la nouvelle structure de l’ARPP, dont l’efficacité et la légitimité sont reconnues tant par les pouvoirs publics que par les représentants des consommateurs, pour redonner une nouvelle respiration à la publicité : le JDP et les Bilans annuels ont pour fonction de contenir d’éventuels excès.
Le JDP est un baromètre de la société et les bilans, par l’application du principe du « name and shame », rappellent aux plus audacieux la nécessité de rester responsables.

Une lecture nouvelle des règles, en particulier des concepts généraux, laissant la part libre à l’imagination serait de nature à rétablir un certain équilibre entre règles et créativité, restaurant de ce fait, un espace d’imaginaire publicitaire, absolument nécessaire.

La publicité a vocation à être responsable. Lors des discussions du Grenelle de l’environnement, la profession a clairement pris cet engagement, les chartes signées depuis avec les pouvoirs publics l’attestent. Une application maîtrisée des textes déontologiques, sans autocensure, dans le cadre de l’autorégulation, respectant la liberté et l’imagination du consommateur est la clé d’une publicité de qualité.

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Avis du CEP Qualité de la créativité et règles

Paris, le 29 octobre 2013