GT 2/3 : La notion de name & shame, faut-il englober la publicité de la sanction, dans les sanctions de l’autorégulation ?

Pilotes  : Jean Pierre Teyssier & Rémy Sautter

A. Analyse des décisions du JDP contestées devant les tribunaux

Tous promoteurs – Candle production

1. Le JDP

Les faits :

Cette publicité présente trois personnages, un barman, une retraitée et une stripeaseuse, dont sont mentionnés les prénoms, l’âge et l’activité. La stripteaseuse est vêtue d’un seul slip, elle se tient fortement cambrée et tient d’une main une barre de « lap-dance », sa poitrine est masquée par le plateau et son contenu portés par le barman.

Le Jury rappelle qu’il résulte des dispositions déontologiques et, notamment celles contenues dans la Recommandation « Image de la personne humaine » que : « La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet ».

Il considère, ainsi qu’il l’a déjà précisé à plusieurs reprises dans ses décisions , que la présentation dans une publicité de l’image d’une femme, nue ou presque, dans une posture suggestive et dont la présence, dans cette tenue, est sans aucun lien avec le produit promu, en l’occurrence l’investissement immobilier, réduit le corps de la femme à la fonction d’objet,

En conséquence, le Jury considère que la campagne publicitaire en cause contrevient aux dispositions précitées.

La décision du Jury

La plainte est fondée

2. Le TGI

Par ordonnance du 13 janvier 2012, le Tribunal de Grande instance de Paris, a annulé l’assignation en référé par laquelle la société Building 13 demandait la condamnation de l’ARPP à raison du préjudice que lui aurait causé une décision du Jury de déontologie de la publicité (JDP), instance associée.

En estimant que l’affaire relève de la loi sur la presse, le Juge retient l’argument principal de l’ARPP selon lequel les griefs formulés par la société BUILDING 13 et le préjudice de réputation qu’elle avance ne peuvent relever que de l’application de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de  la presse.

Dans ses motifs, le Tribunal retient que « ces griefs constituent une allégation publique de faits susceptibles de porter atteinte à l’honneur et à la considération de la société Building 13 et relèvent en tant que tels de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse », et qu’en conséquence, « la présente action aurait dû être fondée sur les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 et partant respecter les articles 53 et 65 de ladite loi qui imposent de viser expressément la qualification issue de ladite loi, de dénoncer l’action au ministère public et d’agir dans les trois mois à compter de la première mise en ligne du texte incriminé ;… ».

SMEREP

1. Le JDP

Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 2 juillet 2013, d’une plainte de l’association Les Chiennes de garde, puis, le 12 juillet 2013, d’une plainte du cabinet du Ministère des droits des femmes et les 12, 13 et 14 juillet 2013, de trois plaintes de particuliers, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne publicitaire diffusée sur internet et au cinéma, en faveur de la Société Mutualiste des Etudiants de la Région Parisienne (SMEREP).

Cette campagne est intitulée « vos bonnes raisons » et comporte cinq vidéos publicitaires présentant chacune un jeune dans son univers quotidien, qui expose les raisons pour lesquelles il, ou elle, a choisi la mutuelle étudiante de la SMEREP

La décision du Jury

La plainte est fondée

La publicité de la SMEREP contrevient aux dispositions de l’article 2 de la Recommandation « Image de la personne humaine ».

2. Le TGI

La XVIIème Chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris vient de rendre son jugement dans l’affaire qui opposait l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité à la Société Mutualiste des Etudiants de la Région Parisienne.

La mutuelle étudiante avait en effet décidé, le 13 novembre 2013, d’assigner à jour fixe l’ARPP à la suite de la décision rendue par son instance associée, le Jury de Déontologie publicitaire, relative à sa campagne publicitaire intitulée « Vos bonnes raisons » constituée de cinq vidéos mettant en scène plusieurs étudiants aux différentes personnalités.

Selon elle, cette décision mise en ligne le 18 septembre 2013 sur le site Internet dédié du JDP, conformément à ce que prévoit le règlement intérieur du Jury, lui était « gravement préjudiciable ».

Pour mémoire, dans sa décision du 6 septembre 2013, le JDP avait donné raison à l’association Chiennes de Garde, mais aussi au Ministère des droits des femmes et à des particuliers, qui s’étaient plaints de la campagne publicitaire de la mutuelle, diffusée au cinéma et sur Internet, réalisée par l’agence Lowe Strateus, et avait considéré que cette campagne contrevenait aux dispositions de la Recommandation de l’ARPP « Image de la personne humaine ».

Elle demandait parallèlement au Tribunal de considérer que l’ARPP avait ainsi commis des fautes, qui engageaient sa responsabilité civile à son égard et de conclure que cette décision était à la fois mal fondée au regard de la règle déontologique, contraire au principe de liberté d’expression, diffamatoire, contraire à la règle du procès équitable …

le Tribunal, dans son jugement du 7 mai 2014, considère que certains propos contenus dans la décision rendue par le Jury sont diffamatoires au regard de la Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, et ordonne qu’ils soient retirés du site www.jdp-pub.org.

Le TGI de Paris ne retient ainsi qu’une seule des demandes formulées par la Smerep et a rejeté le surplus, particulièrement de putatifs dommages et intérêts, pour frais engagés, préjudice économique, d’image ou de réputation.

Relevant « les incontestables mérites de l’autorégulation dans le domaine de la publicité  », le TGI de Paris a réaffirmé la légitimité du dispositif de régulation professionnelle concertée mis en place par les professionnels et par là même du Jury de Déontologie Publicitaire, dont il considère qu’il n’a commis ni erreur manifeste d’appréciation, ni dénaturation de la Recommandation « Image de la personne humaine », et ne conteste pas que les règles que les professionnels s’imposent, sont opposables à tout annonceur, agence, support publicitaire, adhérent ou non à l’ARPP.

Le Tribunal déboute aussi cet annonceur de vouloir appliquer au JDP les dispositions d’un «  tribunal […] établi par la loi  » (cf. art. 6-1 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales du Conseil de l’Europe), « inapplicable à cette ‘instance’ » selon les attendus du jugement du TGI de Paris.

LEGENDRE PATRIMOINE

1. Le JD

Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 11 juin 2014 d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité adressée par voie de courrier électronique en faveur d’un produit d’investissement commercialisé par la société Legendre Patrimoine.

Cette publicité, qui mentionne en objet du mail : « il est temps d’investir dans le solaire », représente une famille souriante et le logo de la société, accompagnés des mentions :

« Ce n’est pas un « super » livret à 5% pendant 5 mois… Ce n’est pas un placement spéculatif à la merci des marchés… »
« Bénéficiez d’un rendement de 7% minimum en conjuguant nouvelles énergies et nouveaux investissements. »
« Réservé uniquement aux particuliers »
« Plus rentable que les autres placements et non soumis aux aléas du marché »
« Bénéficiez d’une totale sécurité »
« Constituez-vous des revenus défiscalisés »
« Contribuez au développement des énergies propres ».

La publicité comporte en outre un encadré « Demander une information » sur laquelle le destinataire peut cliquer.

L’avis du Jury

Compte tenu de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les points 1-3 et 2 (6ème et 10ème alinéas) de la Recommandation « Publicité des produits financiers et d’investissement, et services liés » de l’ARPP, ainsi que les points 2-1-2 et 2-1-3 de son annexe 2.

Le surplus de l’argumentation du plaignant ne peut en revanche être retenu.

2. Le TGI

Vu l’assignation en référé délivrée le 16 octobre 2014 à la requête de la société Global Patrimoine Investissement à l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité – ARPP…

Attendu que le trouble manifestement illicite invoqué serait caractérisé par la mise en cause de la société Global Patrimoine Investissement devant une juridiction privée, incompétente pour connaître des plaintes à l’encontre de sociétés qui ne sont pas membres de l’ARPP et violant les règles de procédure en vigueur ; mais attendu que le JDP n’examine les plaintes qu’au regard des règles de déontologie de la profession et émet des avis, lesquels ne sont pas critiqués par la société Global Patrimoine Investissement, laquelle n’incrimine, à titre de sanction, que leur publication, alors que, faute de caractère coercitif, la publication de ces avis ne peut être qualifiée de sanction ;
Qu’à défaut de sanction, il ne peut, ni être attribué au JDP une fonction juridictionnelle, ni lui être imposé par voie de conséquence les règles de procédure en vigueur devant les tribunaux ; que l’illégalité de la procédure suivie ne peut donc être invoquée et que le trouble manifestement illicite n’est pas établi ; que l’existence d’un dommage imminent n’est pas invoquée…

Attendu qu’en l’absence de dommage imminent et de trouble manifestement illicite, il n’y a lieu à référé.
Disons n’y avoir lieu à référé.

Rejetons la demande de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité – ARPP sur le fondement de l’abus de procédure.
Condamnons la société Global Patrimoine Investissement à payer à l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité – ARPP la somme de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamnons la société Global Patrimoine Investissement aux dépens.