GT 6 : La représentation des genres / rôles. Femmes témoins / hommes experts.

Pilotes : Gérard Unger & Samuel Lepastier

Les travaux du CPP : Nouvel Avis, adopté le 17 mars 2016 et publié le 12 avril 2016, relatif à la Recommandation « Image de la personne humaine » intégrant les Recommandations « Races, religions, ethnies » et « Attributs de la personne » et répondant aux propositions de modifications du texte de la Recommandation émanant du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) et du Haut Conseil à l’Egalité entre les Femmes et les Hommes (HCEfh).

Ces travaux s’inscrivent dans le cadre de la Revue de direction de la mise à jour des Recommandations de l’ARPP, le CPP devant émettre un avis préalablement à l’élaboration ou à la mise à jour d’une règle déontologique.

Le CPP a eu à se prononcer sur les suggestions/propositions de modifications de la Recommandation « Image de la personne humaine », émanant du CSA et du HCEfh.

La demande du CSA a été formulée à l’ARPP lors de la rencontre du 18 décembre (Cf. Supra).

La demande du HCEfh a été adressée directement au CPP mais, évoquée oralement le 9 novembre 2015 lorsque l’ARPP est allée présenter au HCEfh le Bilan d’application de la Recommandation « Image de la personne humaine », pour répondre à la Recommandation n° 31 du Rapport relatif à la lutte contre les stéréotypes, remis à Marisol Touraine et Pascale Boistard en octobre 2014.

Sur ces demandes, le CPP préconise, dans son Avis :

– de compléter le paragraphe relatif à la nudité par une référence explicite aux cas de publicités qui réduisent la personne humaine à la fonction d’objet [« Lorsque la publicité utilise la nudité, il convient de veiller à ce que sa représentation ne puisse être considérée comme avilissante et aliénante et qu’elle soit justifiée par la nature du produit lui-même. »],

de ne pas préciser/qualifier le terme « stéréotype » dans le titre du point 2 (le titre ne pouvant énumérer toute la liste des stéréotypes dégradants visés par la Recommandation, à savoir toutes les discriminations en raison de l’origine, du sexe, des mœurs, de l’orientation ou identité sexuelle, de l’âge, de caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation etc.),

-au point 2-1, de mettre au pluriel le terme « femme » dans la phrase « La publicité ne doit pas réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d’objet » (tout en attirant  l’attention sur le fait que, dans la Recommandation, l’utilisation du terme “femme” signifie “être humain de sexe féminin”, ce qui explique qu’il est écrit au singulier et, à condition de mettre au pluriel, dans cette même phrase, « la personne humaine » afin que la formulation soit cohérente),

– d’étendre l’interdiction de cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne à d’autres critères de discrimination (sexe, origine, orientation ou identité sexuelle, etc.),

– d’introduire le terme « sexisme » dans la règle selon laquelle « La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance »,

Pour la demande de suppression du point 2-3, le CPP rappelle la position qu’il a prise sur les stéréotypes dans son Avis « Publicité et stéréotype sexuels, sexistes et sexués » d’avril 2014.
Il ne préconise, dès lors, pas la suppression de ce point et laisse aux
professionnels, lors de la mise à jour de la Recommandation, le soin d’apprécier l’opportunité de supprimer ou modifier ce point.

Enfin, le CPP n’a pas retenu la demande d’ajout de la formulation “les manifestations de sexisme ou de racisme ordinaire”, au paragraphe relatif à la violence, dans la définition de la violence morale (inapplicable par les services de l’ARPP au stade du conseil et de l’Avis ainsi que par le JDP).

Comptes rendu des débats

1ère séance

Les membres du groupe s’étonnent de la proposition de transformer, dans la recommandation ARPP,  les termes « la femme » par « les femmes ». Ils estiment qu’il ne faut pas essentialiser la différence entre les sexes en la réduisant à une différence de genres. Dans cette hypothèse en effet, on a vite tendance à réduire les femmes à leurs différents rôles (mère, ménagère, amante…).

« la femme » est un concept, « les femmes » renvoie au multiculturalisme.

Samuel Lepastier rappelle que la nudité n’est pas seulement une notion sexuelle, cela renvoie à l’appréhension du monde par le corps : la nudité n’est pas une dégradation du corps mais le fait d’abandonner tous les masques.

Gérard Unger indique que dans les religions, le corps est souvent lié au péché et donc doit être dissimulé.

Il est nécessaire de distinguer, intégristes et croyants, car ces derniers se reconnaissent comme imparfaits alors que les intégristes s’estiment parfaits, en déduisant que le mal est à l’extérieur.

Les femmes, comme représentantes du désir donc de la tentation, doivent être contrôlées.

Le groupe s’accorde sur le fait qu’en voulant défendre la femme, on réactive parfois des stéréotypes dangereux.

Par ailleurs, il est rappelé que la publicité n’a pas vocation à éduquer la société, ce n’est pas son rôle.

Dominique Blanchecotte évoque les différents rôles attribués aux femmes et aux hommes dans les messages publicitaires, craignant de voir souvent la femme présentée comme exécutrice.

L’ARPP rappelle que ces représentations sont en train de d’évoluer, à l’image des modifications de la société.

Gérard Unger indique qu’au « Siècle » les femmes n’ont été admises qu’après 1970, aujourd’hui elles représentent  environ 1/3 des membres.

Il observe qu’en publicité automobile ce sont souvent les hommes qui conduisent les véhicules.

Magali Jalade précise que ceci est en train d’évoluer, on observe de plus en plus de femmes au volant, dans la communication publicitaire.

Pour le groupe, certains secteurs représentent en majorité des femmes dans les taches subalternes comme les produits ménagers ou de la table, les compagnies aériennes, alors que d’autres offrent une représentation plus égalitaire : les banques et les assurances par exemple.

Il souligne que la publicité ne peut pas être en décalage avec la société constatant parallèlement  l’importance, aujourd’hui, des familles monoparentales.

La publicité doit être « un pas en avant » car elle représente une certaine transgression, mais « pas deux » car elle ne peut s’éloigner de la réalité.

Le groupe s’accorde sur la disparition des excès manifestes (femme objet pour vendre des camions, motos…etc.) attestant d’une prise de conscience évidente du monde publicitaire.

L’ARPP précise que cette évolution est démontrée par les résultats de bilans annuels d’application sur ce thème.

Pour le groupe, la répartition femme/homme dans les messages publicitaires est en avance sur la répartition effective des taches des hommes et des femmes dans la société.

La notion d’ « homme objet », attestant d’un traitement des hommes qui se rapproche de celui des femmes,  est apparue dans la publicité ( ex : les messages de Adopteunmec)

Cependant l’évolution sociale n’est pas univoque : certains mouvements et en particulier des mouvements religieux intégristes de toutes confessions, résistent  face à cette évolution égalitaire de la société.

Est-ce que la publicité peut les aider à accepter une société plus égalitaire ?

2nde  séance

Le groupe rappelle la position prise au cours de la 1ère séance à propos de la référence, dans la Recommandation ARPP, Image et Respect de la Personne, aux femmes et non à la femme. Il estime que changer pour « les femmes » est réducteur.

Il rappelle également que cadrer la publicité n’est pas une méthode d’éducation, la publicité se contente d’accompagner les évolutions sociales.

Les nouvelles créations vestimentaires rassemblées sous le concept de « mode pudique » sont évoquées.

Le groupe estime que des messages publicitaires représentant ces modèles devraient être acceptés, rien réglementairement ou déontologiquement ne permettant de justifier d’un motif de non diffusion. Pourtant il est certain que leur diffusion créerait des tentions.

Dans les années 70 la représentation du corps de la femme était plus libre : l’exposition au soleil seins nus était une pratique courante, aujourd’hui cela est devenu exceptionnel, pourtant l’image de la femme bénéficie de nombreuses avancées. Ces deux mouvements peuvent apparaître contradictoires.

La défense de positions archaïques, comme l’obligation du port du voile est souvent justifiée par des références culturelles : les cheveux des femmes sont historiquement dans certaines cultures, assimilées aux poils pubiens donc au sexe. Il  était donc nécessaire, afin de ne pas détourner les hommes de leurs travaux quotidiens, de les protéger de cette vision, contraignant ainsi les femmes à porter un voile suffisamment couvrant pour les dissimuler.

Il y a aujourd’hui en France, très peu de messages publicitaires représentant des femmes voilées.

( exemple : publicité pour Western Union)

On peut observer que dans les pays musulmans les femmes sont parfois moins voilées que par le passé (pour beaucoup de femmes iraniennes, le foulard a remplacé le voile) alors qu’en Europe, s’observe le mouvement inverse.

Cependant des publicités qui, comme en France, exhibent les femmes en sous vêtements, ne seraient absolument pas tolérées dans les pays musulmans.

En examinant les différents secteurs, le groupe constate une prééminence des hommes au volant des véhicules automobiles et des femmes dans l’utilisation des produits ménagers.

Mais lorsque sont présentés les services financiers offerts par une banque, l’homme et la femme sont désormais représentés de façon équitable.

Magali Jalade rappelle les résultats d’une étude d’observation menée par l’ARPP :

Sur 153 publicités analysées, 68 représentaient des femmes en charge des travaux domestiques, et dans 34, les hommes et femmes étaient représentés à égalité.

Le groupe s’interroge sur la représentation des transsexuels dans la publicité. Il est observé que ces représentations sont très rares.

Le groupe observe la radicalisation de la société, et les dangers que cela implique dans l’acceptation ou le rejet de certaines publicités : couples homosexuels, propositions de rencontres extraconjugales.

Le groupe constate qu’avec la multiplication des divorces, beaucoup d’hommes se retrouvent en charge des enfants et donc de taches domestiques une partie de la semaine. Ainsi la publicité s’adapte et suit l’évolution sociale en les représentant.

L’évolution économique influe également sur ces représentations : l’homme peut être au foyer alors que son épouse ou compagne travaille encore, du fait du chômage ou de l’âge de la retraite.

La publicité les mettant en scène dans des taches auparavant gérées par les femmes, au sein du foyer, s’adapte à ces nouvelles configurations sociales.

Une réflexion est menée sur la représentation homme/femme dans les messages relatifs aux produits amaigrissants. Le groupe constate que la présence féminine est prépondérante. Cependant la cible est, de fait, plus féminine et la société imposant plus aux femmes qu’aux hommes, un idéal de minceur.

La publicité reste un mécanisme dont l’objectif majeur est la vente de produits. Par voie de conséquence elle s’adresse, non à l’interlocuteur correspondant idéalement à l’équilibre de la représentation homme/femme dans la publicité voulu par les Pouvoirs publics, mais tout simplement à son prescripteur, en l’espèce, la femme.

Est ce que la publicité doit aller au-delà de la réalité, dans les représentations qu’elle propose pour nous aider à évoluer vers une société plus égalitaire ?

Pour le groupe, ce n’est pas sa fonction première.

Cependant elle aide à l’évolution des comportements car son rôle souvent est de faire émerger des signaux faibles, mettant en lumière des comportements émergeants.

Elle va les révéler et ainsi participer à la prise de conscience de leur existence.

Elle accompagne ces nouveaux comportements, participe à leur acceptation par le public en général.

C’est ainsi qu’elle ne crée pas de stéréotypes mais qu’elle les dévoile.

Il rappelle aussi qu’au delà des stéréotypes concernant les rôles respectifs de l’homme et la femme dans la publicité, il existe aussi le stéréotype de la « femme parfaite » dans son image corporelle dont le visage et le corps sont idéalisés pour devenir des représentations totalement inaccessibles.